Poème : Septembre 44

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Partout, on fête la Libération
Et la fin des années de privation.
Il y a Paulette et la gracieuse Manon
Qui entonnent toutes sortes de chansons
Pendant que Marcel sort son accordéon.

C’est la valse des tire-bouchons.
Et même s’il n’y a plus de saucisson,
On trouve le moyen de se faire un gueuleton.
Il y a Josette et la belle Lison
Qui viennent pour servir le litron.
Les rires résonnent dans les rues de Lyon.

On se rassemble dans les petits bouchons
Pour partager la joie de cette communion,
Dans le vin, on oublie les affres de l’Occupation,
Il y a Colette et la petite Louison
Qui se mêlent aux plaisantes conversations.
Les filles rayonnent et sourient aux garçons.

On se lance dans de grandes discussions
On parle fort et on pousse des jurons.
Les ouvriers invectivent leurs patrons.
Il y a Sylvette et la jolie Madelon
Qui frôlent les hommes avec leurs jupons.
On oublie les doutes et les trahisons.

On se souvient des résistants et de leurs actions,
Du goût amer laissé par les réquisitions,
Des arrestations arbitraires et des déportations.
Il y a cette femme dont on a oublié le nom
Qui a perdu son homme et ses trois fistons.
On retire son chapeau devant sa maison

On évoque les dernières exécutions.
Villeurbanne et le prix de son insurrection,
Saint-Genis-Laval et la peur des pelotons.
Il y a ces veuves qu’on salue rue Gailleton
Mais aussi celles qui redoutent l’épuration,
Celles qu’on pourchasse et celles qu’on tond.

Tandis que partout se poursuivent les célébrations,
Au milieu des hourrahs et des violons
Seule au milieu du dernier pont,
Il y a Marie qui pense à son Gaston
Et espère le voir revenir de la déportation.